Lors d'une vente immobilière ou d'une donation, le notaire doit conseiller son client. Pour la Cour de cassation, même les évidences doivent être rappelées par le professionnel.
Un propriétaire a vendu un bien immobilier avec réserve à son profit d’un droit d’usage et d’habitation, contre le versement d’une rente annuelle viagère. Le même jour, le vendeur a également consenti à l'acheteur une donation, avec réserve à son profit d’un droit d’usage, portant sur la moitié en pleine propriété d’un ensemble immobilier lui appartenant en indivision avec sa fille. Les deux opérations ont été reçues par le notaire. Estimant que ce professionnel avait manqué à son devoir de conseil, le vendeur l’a assigné en responsabilité. Il lui reproche de ne pas lui avoir conseillé de solliciter, pour la vente en viager, un bouquet en plus de la rente annuelle et de ne pas l’avoir informé du fait que la donation était contraire aux intérêts de sa fille.
Pour écarter la responsabilité du notaire et rejeter la demande de dommages et intérêts du vendeur, la Cour d’appel a estimé qu’il ne pouvait pas être reproché au notaire de ne pas avoir conseillé la mention d’un bouquet, en plus des rentes mensuelles, dès lors que la possibilité de stipuler un bouquet est connue de tous et que le notaire avait pu légitimement considérer que les parties en avaient discuté et avaient décidé de ne pas en prévoir, les modalités de la vente étant leur affaire. Elle a également retenu que la décision de faire donation d’un bien, au détriment des enfants du donateur, relève d’un choix de ce dernier et qu’il n’appartient pas au notaire de s’immiscer dans les affaires de famille des parties.
Saisie à son tour du dossier, la Cour de cassation a cassé l'arrêt des juges d’appel sur ces deux points, considérant que les motifs évoqués ne permettaient pas d’écarter la responsabilité du notaire.
Texte intégral
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... de sa reprise d'instance à la suite de la signification de son mémoire ampliatif à Mmes Irène A..., Gilberte B... et Gisèle, Chantal et Florence Y..., en leur qualité d'ayants droit d'Alain Y..., décédé le [...] ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant acte authentique reçu le 30 décembre 2008 par M. Z..., (le notaire), M. X... a vendu à Alain Y... un bien immobilier, avec réserve à son profit d'un droit d'usage et d'habitation, moyennant le versement d'une rente annuelle viagère ; que, par acte du même jour, reçu également par le notaire, il lui a consenti une donation, avec réserve à son profit d'un droit d'usage, portant sur la moitié en pleine propriété d'un ensemble immobilier lui appartenant en indivision avec sa fille ; que, reprochant au notaire d'avoir manqué à son obligation de conseil, M. X... l'a assigné en responsabilité ;
Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;
Attendu que, pour écarter la responsabilité du notaire et rejeter la demande indemnitaire de M. X..., l'arrêt retient qu'il ne peut être reproché à celui-ci de ne pas avoir conseillé la mention d'un bouquet, en sus des rentes mensuelles, dès lors que la possibilité de stipuler un bouquet est connue de tous et que le notaire avait pu légitimement considérer que les parties en avaient discuté et avaient décidé de ne pas en prévoir, les modalités de la vente étant leur affaire ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à écarter le manquement du notaire à son devoir de conseil, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur la troisième branche du même moyen :
Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;
Attendu que, pour statuer comme il le fait, après avoir relevé que M. X... reprochait au notaire de ne pas l'avoir informé que la donation était contraire aux intérêts de sa fille, qui, en cas de vente, aurait bénéficié d'un droit de préemption en application de l'article 815-14 du code civil, l'arrêt énonce que la décision de faire donation d'un bien à un ami, au détriment des enfants du donateur, relève d'un choix de ce dernier et qu'il n'appartient pas au notaire de s'immiscer dans les affaires de famille des parties ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants au regard des obligations du notaire, tenu d'informer et d'éclairer les parties sur la portée et les effets des actes qu'il établit, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la responsabilité de M. Z... ne peut être engagée et en ce qu'il rejette les demandes formées à l'encontre de ce dernier par M. X..., l'arrêt rendu le 12 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté que le contrat de vente en date du 30 décembre 2008 est parfaitement valable et d'AVOIR débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de MM. Y... et Z... ;
AUX MOTIFS QUE M. X... a abandonné en cause d'appel la demande de résolution du contrat pour inexécution de ses obligations par M. Y... et la demande de nullité de la vente pour vice du consentement tenant à la contrainte morale et fonde sa demande de nullité de l'acte de vente sur le défaut d'aléa tenant à son état de santé et à son âge et son espérance de vie ; que la vente conclue le 30 décembre 2008 prévoyait un prix payable sous forme de rente indexée d'un montant annuel de 3.500 €, versée à M. X... sa vie durant, et un droit d'usage et d'habitation de l'immeuble portant sur le bien vendu à l'exception de deux parcelles situées aux grands champs ; qu'il s'agit d'un contrat aléatoire défini par l'article 1964 du code civil comme une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendent d'un événement incertain ; que la vente est susceptible d'être annulée pour défaut de prix réel et sérieux si l'aléa n'existe pas ; que, sauf le cas prévu à l'article 1975 du code civil énonçant que la vente est automatiquement nulle si la rente a été créée sur la tête d'une personne atteinte de la maladie dont elle est décédée dans les [...] la vente, le demandeur à la nullité, en l'espèce le crédit rentier, doit, s'il entend voir prononcer la nullité de l'acte de vente avec rente viagère, prouver qu'il était atteint lors de la signature de l'acte d'une maladie, que cette maladie était de nature à provoquer son décès à court terme et que ces circonstances étaient connues du cocontractant ; qu'en l'espèce, il est produit diverses attestations de proches et de voisins de M. X... indiquant qu'en fin 2008, précisément en décembre 2008, il était affaibli et avait du mal à marcher, et divers document médicaux révélant qu'il a été opéré pour une affection cardiaque en avril 2009 ; qu'il ressort enfin d'une attestation de sa fille qu'il a été diagnostiqué sur M. X... un cancer des intestins six mois après cette opération ; qu'il n'est pas établi que les causes de sa fatigue aient été connues en décembre 2008, ni que l'affection cardiaque d'endocardite aortique opérée et traitée en 2009 ait été diagnostiquée avec précision à cette date, ce qui est peu probable car, si tel était le cas, l'opération aurait eu lieu immédiatement après décembre 2008 ; que le compte rendu opératoire du 8 avril 2009 révèle que M. X... était sous antibiotique depuis « plus de trois semaines » et ajoute une altération de son état général depuis décembre 2008 ; qu'il ne peut être déduit de ces éléments qu'en décembre 2008 sa maladie était connue et que son décès à bref délai était envisageable [...] ; que du reste, M. X... a pu être opéré et, grâce aux soins prodigués, est resté en vie ; qu'il n'est pas davantage établi que M. Y... ait pu se rendre compte de la maladie affectant M. X... et ait pu penser que son décès était imminent ; que l'intervention d'un notaire est précisément destinée à faire échec à ce type de difficultés et Me Z... affirme que l'état de santé de M. X... n'était pas dégradé au jour où l'acte a été passé ; que, de même, l'acte était passé en présence de Mme X... et il est logique de penser que cette dernière se serait opposée à un tel acte inutile si le décès de son mari était imminent car la rente devait cesser au décès de ce dernier, même si le droit d'usage et d'habitation persistait jusqu'au décès du dernier mourant, de sorte que son intérêt était de faire échec à une telle vente dans un tel cas pour préserver les droits des enfants du couple ; qu'en l'absence de preuve de la maladie de M. X... de nature à entraîner son décès à bref délai au jour de l'acte, et de preuve de la connaissance de ces circonstances par M. Y..., la nullité de l'acte pour défaut d'aléa tenant à la maladie de M. X... n'a pas lieu d'être prononcée ; que le défaut d'aléa tenant à l'âge et l'espérance de vie de M. X... n'est pas davantage fondé ; que lors de la signature de l'acte, le 30 décembre 2008, M. X... avait 72 ans et son épouse 73 ans ; que M. X... considère que son espérance de vie étant de 13 à 14 ans en 2008, le paiement de la rente de 3.500 € donnait un prix de 45.990 € au lieu de 61.000 € tel que figurant à l'acte payable sous forme de rente viagère et conclut que M. Y... était avantagé d'environ 33 % sur son espérance de vie théorique car la rente aurait dû être de 4.642 € sur cette base pour un bien de 60.000 € ; qu'un tel raisonnement ne peut être retenu car le propre d'une rente viagère est d'être due jusqu'au décès du bénéficiaire de la rente dont la date est inconnue, ce qui peut favoriser l'une ou l'autre des parties, l'espérance de vie théorique étant une moyenne et M. X... pouvant décéder avant 85 ans comme vivre au-delà de 85 ans ; que le calcul opéré par M. X... peut d'autant moins être suivi que l'acte mettait à la charge de M. Y... les grosses réparations et prévoyait un droit d'usage et d'habitation en faveur de M. et Mme X..., ce qui impactait nécessairement le montant de la rente calculée à partir d'un prix de 61.000 € prévu dans l'acte ; qu'en valorisant à 150 € ou 200 € par mois le droit d'usage et d'habitation, le montant de la rente sur 13 ans dépassait le prix de 60.000 € ; que l'absence d'aléa tenant à l'âge de M. X... ne peut donc être retenu ;
1) ALORS QU'est entaché de nullité pour défaut d'aléa le contrat de rente viagère conclu alors que le débirentier savait que son contractant souffrait d'une affection de nature à provoquer son décès à bref délai, peu important que ses causes exactes n'aient été diagnostiquées qu'après la signature de l'acte ; qu'en l'espèce, les attestations versées au dossier faisaient état d'une grave dégradation de l'état de santé de M. X... à la fin de l'année 2008 se manifestant par de fortes douleurs au thorax et à l'abdomen, des vertiges et des pertes de connaissance, un amaigrissement et une pâleur très prononcés qui l'empêchaient de quitter son domicile et le forçait à rester assis dans son fauteuil (pièces n° 23, 24, 25, 26 et 27) ; qu'il était par ailleurs établi qu'au jour de la signature de l'acte, M. X... était atteint d'une septicémie doublée d'une affection cardiaque particulièrement grave et d'un cancer des intestins (pièces n° 6, 28, 31 et 32) ; qu'en rejetant la demande d'annulation du contrat de rente viagère pour défaut d'aléa au motif inopérant qu'il n'était pas établi que sa maladie ait été diagnostiquée au jour de la conclusion du contrat et, par suite, que son décès ait été envisageable, quand il lui appartenait de rechercher concrètement si l'état de santé dans lequel se trouvait M. X..., alors âgé de 72 ans, était de nature à révéler à M. Y..., compte tenu des liens très étroits qui les unissaient, un risque avéré de décès à bref délai, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1131, 1964 et 1976 du code civil ;
2) ALORS QUE le juge du fond est tenu de se prononcer sur les éléments de preuve qui lui sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en inférant de la présence de Mme X... aux côtés de son mari lors de la signature du contrat qu'un risque avéré de décès à bref délai n'était pas décelable pour ses proches dès lors qu'il n'aurait pas été dans l'intérêt de l'épouse de permettre la conclusion de l'acte dans de telles circonstances puisqu'aucune clause de réversion de la rente n'avait été stipulée à son profit, sans examiner, même sommairement, les pièces du dossier qui confirmaient que Mme X... était alors sur le point de quitter définitivement le domicile conjugal et d'introduire une action en divorce (pièces n° 19 et 26 ; conclusions p. 20 §6), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE le juge ne doit pas modifier les termes du litige en y introduisant un moyen de fait que les parties n'avaient pas invoqué ; qu'en inférant de la présence de Mme X... aux côtés de son mari lors de la signature du contrat, le 30 décembre 2008, qu'un risque avéré de décès à bref délai n'était pas décelable pour ses proches dès lors qu'en de telles circonstances elle n'aurait pas permis sa conclusion au détriment des enfants du couple, quand aucune des parties à l'instance n'a jamais prétendu que Maryse et Sylvie X..., respectivement nées [...] , aurait été les filles de Mme X..., qui était l'épouse en secondes noces de leur père depuis le 29 avril 2006, la cour d'appel s'est fondée sur de simples conjectures étrangères aux débats en violation de l'article 7 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE l'appréciation du caractère sérieux du prix d'un contrat de rente viagère avec réserve de jouissance se fait par comparaison entre d'une part, le montant de la rente et, d'autre part, l'intérêt que procurerait le capital représenté par la valeur vénale de la propriété grevée de cette réserve ; qu'en se déterminant sur la base d'une comparaison entre d'une part, le montant sur treize ans d'une rente revalorisée du droit de jouissance et d'autre part, la valeur de la propriété stipulée au contrat, qui était contestée par M. X... (conclusions, p. 17 et s.), la cour d'appel a violé les articles 1131, 1964 et 1976 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté que l'acte de donation du 30 décembre 2008 est parfaitement valable et d'AVOIR débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de MM. Y... et Z... ;
AUX MOTIFS QUE M. [X...] sollicite la nullité de l'acte de donation du 30 décembre 2008 en visant les articles 1112 et suivants du code civil, ce qui vise la contrainte voire le dol, et qu'il considère que très affaibli au plan physique et mental, son consentement a été vicié par l'erreur sur ses engagements et obligations, ce qui évoque l'erreur de l'article 1110 du code civil ; qu'en l'espèce, M. X..., qui était lors de la signature de la donation constituée avec réserve du droit d'usage, ami de M. Y..., ne produit aucun élément de nature à laisser penser qu'il a subi la contrainte morale de M. Y... ou de son ex-épouse, et s'il a divorcé en 2011, l'acte comportait un droit d'usage en faveur des deux époux laissant présumer à l'absence de problème majeur entre eux en 2008 ; que, s'agissant de l'erreur invoquée par M. X..., il sera noté que, même s'il pouvait être fatigué en décembre 2008, aucun élément du dossier et aucune pièce apportée par lui accrédite l'existence d'un affaiblissement de ses facultés mentales ne lui ayant pas permis de comprendre la portée de ses engagements et obligations, alors surtout que les effets d'une donation sont connus de tous ; qu'enfin, M. X... ne caractérise aucune manoeuvre ou réticence dolosive de la part de son cocontractant avec qui il était ami à l'époque ; que la demande de nullité de la donation sera en conséquence rejetée ;
1) ALORS QUE la contrainte morale doit être appréciée au regard de l'âge et de la condition de la personne qui en est victime ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'il lui était demandé (conclusions, p. 21 et s.), si la gravité de l'affection dont était atteint M. X... au jour de la donation litigieuse, les souffrances qu'il éprouvait alors et le fait qu'il n'ait eu connaissance de l'acte qu'au moment de sa signature ne le plaçaient pas dans un état d'infériorité manifeste qui constituait un élément de la contrainte morale l'ayant déterminé, après avoir cédé sous rente viagère sa maison d'habitation à M. Y..., à faire donation à ce dernier, le même jour, de l'intégralité du patrimoine immobilier restant, au détriment de ses intérêts et de ceux de ses propres enfants, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1112 du code civil ;
2) ALORS QUE le juge du fond est tenu de se prononcer sur les éléments de preuve qui lui sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en inférant de la stipulation prévoyant un droit d'usage en faveur des deux époux, l'absence de problème majeur entre eux au jour de la signature de l'acte et, par suite, en excluant toute contrainte morale subie par M. X... du fait de la présence de son épouse, sans examiner, même sommairement, les pièces du dossier qui confirmaient que Mme X... était alors sur le point de quitter définitivement le domicile conjugal et d'introduire une action en divorce (pièces n° 19 et 26 ; conclusions p. 20 §6), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Me Z... et d'AVOIR dit que la responsabilité de Me Z... ne peut être engagée ;
AUX MOTIFS QUE M. X... développe de multiples griefs à l'encontre de Me Z... puisqu'il lui reproche de ne pas l'avoir rencontré et de ne pas lui avoir envoyé le projet avant la signature des actes, d'avoir manqué à son devoir de conseil en ne l'avertissant pas du prix très inférieur prix du marché, en ne lui conseillant pas de prévoir un bouquet, d'avoir évalué le bien à 61.000 € dans l'acte pour le versement des droits fiscaux alors qu'il valait 85.000 € en 2010 après baisse de l'immobilier par rapport à 2008, d'avoir laissé les charges de l'immeuble à sa charge sauf les grosses réparations pour lesquelles il était prévu qu'il ne pouvait contraindre l'acquéreur à les faire, de s'être rendu à son domicile pour signer l'acte, ce qui l'a mis en confiance alors qu'il était affaibli par la maladie, et de ne pas l'avoir informé que l'acte de donation était contraire aux intérêts de sa fille qui bénéficiait lors d'une vente d'un droit de préemption en vertu de l'article 815-14 du code civil, mais non pour une donation ; qu'il est exact qu'il est prudent de consulter les actes avant leur signature, mais il appartenait à M. X... de réclamer une copie des projets d'actes au notaire, ce qu'il n'a pas fait ; qu'il ne peut être reproché à Me Z... de ne pas avoir conseillé la mention d'un bouquet en sus des rentes mensuelles car un bouquet n'est pas obligatoire, la possibilité de prévoir un bouquet est connue de tous et ressort d'un choix des parties, le vendeur pouvant préférer percevoir une somme mensuelle supérieure et l'acquéreur étant susceptible de pouvoir disposer d'un capital lors de la signature de l'acte et le notaire a pu légitimement considérer que les parties en avaient discuté et avaient décidé de ne pas en prévoir, les modalités de la vente étant leur affaire ; que la sous-estimation du bien alléguée est susceptible d'engager la responsabilité du notaire si elle est démontrée, flagrante et important ; qu'en l'espèce, le bien a été évalué à 61.000 € et la sous-estimation invoquée n'est pas établie dans la mesure où M. X... produit un avis de valeur d'une agence immobilière établissant la valeur du bien à 85.000 € en 2010, à plus ou moins 5 %, tandis que M. Y... fait état d'une valeur comprise entre 64.000 € et 66.000 € sur la foi d'une attestation d'une autre agence immobilière en date du 29 novembre 2011 ; que non seulement l'avis d'une seule agence immobilière produite par l'appelant est insuffisante à prouver la valeur d'un bien, mais la divergence des avis susmentionnés ne permet pas de retenir que le bien a été fortement sous-évalué en 2008 ; qu'i n'est par ailleurs pas établi que l'acte soit particulièrement défavorable à M. X..., car s'il devait assumer les frais de réparation locative et d'entretien qui sont la contrepartie de son occupation du bien, les grosses réparations étaient à la charge de M. Y... et, s'il est mentionné dans l'acte que ce dernier ne peut être contraint de les réaliser, M. X... ne prouve pas s'être heurté à un refus de faire les grosses réparations de la part de M. Y..., dont l'intérêt était de les réaliser pour préserver l'intégrité du bien acquis ; qu'il ne peut être reproché à Me Z... de s'être déplacé au domicile de M. X..., ce qui reste une pratique usitée en zone rurale, et le seul fait de venir faire signer l'acte à domicile d'une personne ayant des problèmes de santé ne peut être fautif dans la mesure où les facultés mentales de cette partie ne sont pas affaiblies, M. X... n'ayant pu établir un tel affaiblissement ; qu'enfin, la décision de faire donation d'un bien à un ami au détriment de ses enfants du donateur relève d'un choix de ce dernier et il n'appartient pas au notaire de s'immiscer dans les affaires de famille des parties, étant précisé que si M. X... avait désigner ne pas désavantager sa fille en lui permettant de préempter le bien en 2008, il pouvait tout autant faire la donation en sa faveur au lieu de la consentir en faveur d'un tiers, et il n'est nullement certain que la fille de M. X... aurait désiré acquérir la moitié du bien dont elle n'était pas propriétaire ; que, pour l'ensemble de ces motifs, les manquements allégués contre M. Z... ne seront pas retenus et la demande de dommages et intérêts présentée à son encontre par M. X... sera rejetée ;
1) ALORS QUE le notaire a l'obligation d'entreprendre toute démarche propre à garantir que son client, placé dans un état d'infériorité manifeste, a compris la portée des actes juridiques qui lui sont soumis pour signature ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'au jour de la signature des actes authentiques, M. X... était atteint d'une affection cardiaque d'endocardite aortique particulièrement grave et dans un état d'affaiblissement généralisé rendant la marche difficile et que c'est précisément en raison de ces problèmes de santé que le notaire instrumentaire s'était déplacé au domicile de l'intéressé pour lui faire signer les actes litigieux ; qu'en écartant toute faute de Me Z... pour n'avoir effectué aucune démarche pour informer et conseiller utilement M. X... dont l'état de faiblesse était manifeste au motif que c'était à ce dernier qu'il appartenait d'effectuer les diligences propres à garantir qu'il s'engageait en connaissance de cause et, en particulier, de réclamer copie des projets d'actes à l'officier public avant le jour de leur signature, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2) ALORS QUE le notaire instrumentaire ne peut décliner le principe de sa responsabilité en alléguant qu'il n'a fait que donner forme authentique aux opérations conclues par les parties ; qu'en affirmant qu'il n'appartenait pas au notaire instrumentaire de s'assurer que M. X... savait qu'il pouvait bénéficier, dans le cadre de la vente de sa maison d'habitation, d'un bouquet en sus d'une rente viagère aux motifs inopérants qu'une telle « possibilité [était] connue de tous » et qu'il avait « pu légitimement considéré que les parties en avaient discuté et avaient décidé de ne pas en prévoir, les modalités de la vente étant leur affaire », la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3) ALORS QUE le notaire est tenu professionnellement tenu d'éclairer les parties sur le contenu et la portée des actes qu'il instrumente ; qu'en affirmant qu'il n'appartenait pas au notaire instrumentaire de mettre en garde M. X..., alors gravement malade, sur le fait qu'il favorisait M. Y... au détriment de ses propres enfants au motif inopérant qu'il « n'appartient pas au notaire de s'immiscer dans les affaires de famille des parties », la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
4) ALORS QUE le juge est tenu de se prononcer sur la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, M. X... produisait aux débats d'une part, une évaluation immobilière attestant que l'ensemble immobilier vendu à M. Y... avait une valeur vénale de 85.000 € en 2010 (pièce n° 14) et, d'autre part, un état de l'évolution du marché immobilier sur le secteur d'Angoulême entre 2000 et 2013 établi par l'ordre des notaires de France dont il résultait que le prix des transactions immobilières avait baissé entre 2008 et 2010 (pièce n° 33) ; qu'en écartant la responsabilité de Me Z... pour avoir sous-évalué l'immeuble vendu avec rente viagère en fixant son prix à 61.000 €, à la faveur d'une simple affirmation selon laquelle la production d'une seule évaluation du bien à hauteur de 85.000 € était insuffisante à en prouver la valeur, sans s'expliquer sur l'état du marché établi par l'ordre des notaires de France versé aux débat par M. X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5) ALORS QUE le juge est tenu de se prononcer sur la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, l'agent immobilier sollicité par M. Y... indiquait expressément qu'il avait évalué l'immeuble entre 64.000 et 66.000 euros en 2011 avec « comme seul justificatifs les photos de ce bien » (pièce adverse n° 5) ; qu'en affirmant que M. X..., qui produisait aux débats une estimation circonstanciée sur la valeur vénale de l'immeuble (pièce n° 14) et l'évolution des prix du marché entre 2000 et 2013 (pièce n° 33), avait succombé à la charge de la preuve d'une sous-évaluation du bien par le notaire instrumentaire dès lors que les parties produisaient sur ce point des avis divergents, la cour d'appel, qui a refusé de se prononcer sur la valeur respective des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a violé l'article 455 du code de procédure civile.