Viager immobilier : vive la vie de rentier !
A la question de savoir ce qu’est au juste le viager, la vente immobilière en viager arrive presque toujours en tête des réponses. Pourtant le viager occupe un champ très diversifié de la vie financière, économique et patrimoniale.
En effet, il existe au moins deux sortes de viager : le viager en immobilier et le viager dit financier. Tout aussi important, mais moins populaire, le viager financier se rencontre souvent dans le domaine de l’assurance vie. Le mot viager – droit viager dans le jargon - s’emploie également pour évoquer le droit au logement à vie attribué par le code civil au conjoint survivant. Alors le viager conçu comme technique patrimoniale, faut-il y aller ? Oui, mais sachez d’abord précisément à quel viager vous avez affaire, et ce qu’il vous rapportera.
Décryptage:
Le viager a fait le régal et le bonheur financier de grands écrivains. En 1768, Voltaire écrivait à son amie la marquise du Deffant : "il me semble que je vous avais conseillé de vivre, uniquement pour faire enrager ceux qui vous paient des rentes viagères ; pour moi, c’est presque le seul plaisir qui me reste." (cf histoire du viager)
Pourtant, le viager - technique patrimoniale déjà présente dans la Rome Antique - ne figure pas dans le code civil. Normal, viager est le terme usuel utilisé dans la vie courante pour désigner une opération patrimoniale précise. Lors de sa rédaction en 1804, le code civil crée un chapitre dédié au contrat de rente viagère. Hier comme aujourd’hui, l’article 1968 du code civil dispose que la rente viagère peut-être constituée à titre onéreux, moyennant une somme d’argent, ou pour une chose mobilière appréciable, ou pour un immeuble.
Cette technique patrimoniale est ainsi pratiquée sur les biens immobiliers, on parle alors de vente immobilière en viager, expression raccourcie dans le langage courant en viager immobilier ou viager. Le code civil indique également que le contrat de rente viagère, le viager donc, peut aussi être constitué sur une somme d’argent. Il s’agit du viager présent notamment dans le domaine de l’assurance vie, parfois dit viager financier pour le distinguer du viager en immobilier.
-
Le viager d’un bien immobilier
Seule au monde, à 75 ans, avec une retraite en peau de chagrin après une dure vie de labeur abonnée aux petits salaires. Mais elle ne se plaint jamais : elle est heureuse d’être propriétaire de sa maison située dans un ravissant petit village quelque part en France. Surtout que la solidarité des voisins ne se dément pas.
Elle, c’est Ghislaine qui rêve parfois aux menus plaisirs qu’elle pourrait s’offrir si elle avait un budget un peu moins ric-rac, comme de temps en temps un restau et un ciné avec ses copains et copines, une petite visite au salon de coiffure. Jusqu’au jour où la chance frappe à sa porte quand un voisin, agent immobilier de son état, lui parle du viager qui pourrait lui permettre de vivre un peu plus confortablement.
La vente en viager consiste pour le propriétaire d’un bien immobilier à le céder tout en continuant à l’occuper. Il s’agit alors du viager occupé.
L’originalité du viager, c’est que l’acquéreur ne sait pas à l’avance ce qu’il va payer au total. Car il y a un aléa, une part d’inconnu, que personne ne maîtrise, c’est l’espérance de vie du vendeur qui détermine pour l’acheteur pendant combien de temps il va payer la rente viagère. De Michel Serrault à Madame Calment, le viager réserve des surprises. On se souvient ainsi, de l’histoire de ce notaire qui avait acquis l’appartement d’une dame, Jeanne Calment alors âgée de 90 ans. Il décède avant elle, et laisse à ses héritiers le soin de continuer à payer la rente mensuelle à la doyenne du monde qui vécut jusqu’à 122 ans.
Le viager, c’est aussi ce film joyeux et savoureux que les moins de 40 ans ne peuvent connaître. Les merveilleux acteurs Michel Serrault et Michel Galabru y narrent jusqu’à l’absurde la situation de l’acheteur en viager qui croyant réaliser une bonne affaire auprès d’un vendeur malade, en est pour ses frais.
-
Le viager avec ou sans bouquet
La vente en viager se fait par un contrat conclu devant un notaire. Le propriétaire, appelé crédirentier va vendre son bien à un acheteur, le débirentier dans le jargon. Avec le temps, le mot crédirentier a perdu une partie de ses lettres, et aujourd’hui on parle beaucoup du rentier, l’individu supposé vivre de la sueur des autres. Pour en revenir au viager, le vendeur encaisse à la signature du contrat de vente, versé par l’acquéreur, un capital popularisé sous le nom bouquet et ensuite perçoit chaque mois une somme précise, une rente ou plus exactement une rente viagère, comme la nomme le code civil, un revenu versé au vendeur pendant toute sa vie.
Il peut ne pas y avoir de capital (bouquet) ce qui est assez rare, et dans ce cas le prix de vente du viager est constitué uniquement de la rente versée au vendeur pendant toute sa vie. La rente est versée sur la tête de celui qui en jouit, et s’éteindra à sa mort, sans que ses héritiers puissent en bénéficier. Mais parfois le viager peut-être constituée sur deux têtes, c’est à dire que la rente ne s’éteint pas au décès du crédirentier mais sera transférée, donc versée, par exemple au conjoint qui lui survit.
Aux termes de l’article 1976 du code civil, la rente attachée au viager est librement fixée entre le vendeur et l’acquéreur, mais doit présenter un caractère sérieux, disent les tribunaux. En pratique, le prix d’un viager est fixé en prenant la valeur réelle du bien constatée sur le marché local de l’immobilier.
Tout se passe comme si le bien libre de toute occupation devait faire l’objet d’une vente classique et non pas cédé en viager. Ensuite, ce prix de valeur libre est corrigé à l’aide des nombreux paramètres fixés dans l’opération de viager : bouquet ou pas, viager occupé qui désigne la situation où le vendeur continue de vivre dans le logement, ou au contraire viager libre, s’il n’ y habite plus. Schématiquement, le prix réel du bien immobilier est divisé par le nombre d’années qui resteraient à vivre au vendeur, compte tenu de son âge lors de la signature du viager. Pour cela, il existe des tables d’espérance de vie, jugées pour certaines trop défavorables au vendeur en viager.
La rente n’a pas vocation à rester figée, le contrat de viager doit prévoir son indexation à la hausse. A défaut de précision, la rente est indexée annuellement selon un barème remis à jour chaque année lors du vote de la loi de finances, intitulé taux de majoration des rentes viagères.