Lorsqu’un bien immobilier est vendu en viager sans rente (uniquement avec un bouquet), le vendeur, appelé crédirentier, conserve généralement un droit d’usage et d’habitation (DUH) lui permettant de vivre dans le logement sa vie durant.
Mais si ce vendeur décide de quitter le logement de manière anticipée, il peut renoncer à ce droit en échange d’une compensation financière appelée indemnité de renonciation onéreuse au DUH.

Ce mécanisme, souvent méconnu, est pourtant essentiel pour sécuriser la transaction et éviter tout litige. Dans cet article, nous vous expliquons en détail comment évaluer cette indemnité, selon quelle méthode la calculer, et comment prévoir une clause claire dans l’acte de vente.

 

1. Qu’est-ce que le droit d’usage et d’habitation (DUH) en viager ?

Le DUH est un droit réel accordé au vendeur dans un viager occupé.
Il lui permet :

  • d’occuper personnellement le logement,
  • d’héberger sa famille proche (conjoint, enfants à charge),
  • de profiter des lieux sans pouvoir les louer ou les prêter durablement.

En viager, la valeur de ce droit est déduite de la valeur libre du bien pour calculer le bouquet (et éventuellement la rente).

 

2. Qu’est-ce que la renonciation onéreuse au DUH ?

La renonciation onéreuse intervient lorsque le crédirentier décide de libérer le logement avant la fin de son droit, souvent parce qu’il entre en maison de retraite, rejoint un proche, ou pour toute autre raison personnelle.

En contrepartie, l’acheteur (débirentier) doit lui verser une indemnité compensatoire correspondant à la valeur du DUH restant à courir.

 

3. Cas particulier du viager sans rente

Dans un viager avec rente, la libération anticipée entraîne une majoration de la rente.
En revanche, dans un viager sans rente, il n’y a pas de mensualités à ajuster.
La compensation prend donc la forme d’un versement unique en capital, payé à la date de la libération effective.

 

4. Comment calculer l’indemnité de renonciation au DUH ?

4.1 Méthode recommandée

  1. Déterminer la valeur vénale libre du bien au moment de la libération
    → Faire appel à un expert immobilier indépendant (prévoir cette obligation dans le contrat).
  2. Déterminer l’âge exact du crédirentier au jour de la libération.
    → En cas de plusieurs crédirentiers, retenir l’âge du plus jeune.
  3. Appliquer le barème fiscal de l’article 669 du CGI
    → Ce barème évalue la valeur de l’usufruit viager en pourcentage de la valeur libre du bien, en fonction de l’âge.
  4. Assimiler le DUH à un usufruit viager pour le calcul.
    → Juridiquement, le DUH est moins large que l’usufruit, mais fiscalement on peut utiliser ce barème comme référence objective.

4.2 Barème fiscal art. 669 CGI

(Pourcentage de la valeur libre à appliquer selon l’âge)

Âge du crédirentier au jour de la libérationValeur fiscale du DUH (% de la valeur libre)
Moins de 21 ans révolus 90 %
21 à 30 ans révolus 80 %
31 à 40 ans révolus 70 %
41 à 50 ans révolus 60 %
51 à 60 ans révolus 50 %
61 à 70 ans révolus 40 %
71 à 80 ans révolus 30 %
81 à 90 ans révolus 20 %
Plus de 90 ans révolus 10 %

4.3 Exemple concret

  • Valeur libre actuelle : 300 000 €
  • Âge du crédirentier : 78 ans
  • Barème 669 CGI → 30 %
  • Indemnité = 300 000 × 30 % = 90 000 €

4.4 Exemple avec plusieurs crédirentiers

  • Deux crédirentiers : 78 ans et 72 ans
  • Âge retenu : 72 ans → 30 % (barème inchangé)
  • Valeur libre : 320 000 €
  • Indemnité = 320 000 × 30 % = 96 000 €

 

5. Pourquoi prévoir une clause contractuelle ?

Sans clause précise, le risque est grand de voir apparaître des désaccords :

  • Le vendeur veut une valeur basée sur le prix du marché,
  • L’acheteur préfère garder la valeur initiale,
  • Les parties ne s’entendent pas sur le barème applicable.

Solution : intégrer à l’acte une clause type précisant :

  • que la valeur sera déterminée par un expert indépendant,
  • que le barème 669 CGI est utilisé,
  • que le calcul se fait sur la valeur au jour de la libération.

 

6. Modèle de clause

"En cas de renonciation anticipée au droit d’usage et d’habitation, le crédirentier percevra une indemnité en capital égale à la valeur de ce droit à la date de la libération, déterminée selon le barème fiscal de l’article 669 du CGI, appliqué à la valeur vénale libre du bien estimée par un expert indépendant choisi d’un commun accord ou, à défaut, désigné par le président du tribunal judiciaire compétent."

 

Points clés à retenir

  • La renonciation au DUH dans un viager sans rente donne lieu à un versement unique.
  • Le calcul repose sur la valeur libre au jour de la libération × barème 669 CGI.
  • La clause doit être prévue dès la signature pour éviter les litiges.